Si la League One japonaise procure déjà une excellente réserve et plateforme de développement pour l’équipe nationale du Japon, notamment en ce qui concerne les trois-quarts, le sélectionneur Eddie Jones ne cache pas son appétit pour d’autres sources d’inspiration. Et c’est logiquement du côté de la France qu’il semble les puiser en ce moment, notamment pour performer au niveau du pack.
Alors que la greffe dans le Top 14 n’avait pas forcément pris pour Ayumu Goromaru (Toulon, 2016-2017) et Kotaro Matsushima (Clermont, 2020-2022), il semble que les internationaux japonais soient toujours tentés par l’exigence du championnat français avec cette volonté de s’y faire une place sur le plus long terme.
Tatafu et Saito, deux pépites indiscutables dans le Top 14
Le premier de la nouvelle génération des Brave Blossoms à avoir signé en France est le troisième-ligne centre Tevita Tatafu (28 ans, 18 sélections), cousin et homonyme du pilier droit de Bayonne. Le Tonguien d’origine a signé début janvier 2023 un contrat de deux ans à l’Union Bordeaux-Bègles en provenance des Suntory Sungoliath, au lendemain de la Coupe du Monde de Rugby 2023.
Premier Japonais à jouer pour l'UBB, il s'est distingué lors de la tournée d'été 2022 du XV de France au Japon avec un essai face aux Bleus lors de la défaite 23-42 du premier des deux tests. Sa première saison remarquable en Top 14 lui a valu une nomination au trophée du meilleur joueur de la saison 2023/2024 et sa deuxième saison est bien partie pour être du même niveau.
Le deuxième joueur de la nouvelle génération du Japon est le demi de mêlée Naoto Saito (27 ans ; 21 sélections). Est-ce un hasard ? Mais à quelques jours du match entre la France et le Japon (9 novembre au Stade de France), le Stade Toulousain pourrait officialiser la reconduction de son contrat pour une année de plus.
Naoto Saito, futur capitaine du Japon ?
Recruté le 10 juillet 2024, l’international japonais a disputé sept des neuf premières journées du Top 14 (championnat diffusé au Japon), dont deux en tant que titulaire. Formé à l’université, il a débuté en Super Rugby avec les Sunwolves en 2020 avant de rejoindre les Sungoliath en championnat national au Japon. Ses performances, dont 6 essais en 2022, lui ont valu le statut de co-capitaine et une première sélection en équipe nationale.
L’ancien sélectionneur Jamie Joseph lui a offert sa première sélection, en juin 2021 contre les British & Irish Lions et c’est lors de la Coupe du Monde de Rugby 2023 en France où il a été titulaire deux fois que Naoto Saito a découvert Toulouse, camp de base des Brave Blossoms. C’est vraiment en France que son statut d’international a éclos, lui qui avait commencé sur le banc contre le Chili et l’Angleterre, a progressivement gagné ses galons de titulaire, contre les Samoa et l’Argentine.
Depuis quelques semaines, il s’entraîne au côté d’Antoine Dupont avec qui il partage le poste. Il se dit d’ailleurs qu’Eddie Jones, le sélectionneur du Japon, verrait d’un bon œil le fait que Saito reste une année de plus au Stade Toulousain pour parfaire son jeu et apporter une vraie plus-value dans une équipe du Japon en pleine reconstruction. Jones aurait en effet dans ses plans d’en faire le futur capitaine des Brave Blossoms pour la Coupe du Monde de Rugby 2027 avec l’ambition affichée d’aller jusqu’aux quarts, minimum.
D’autant que les liens entre le Stade Toulousain et le Japon sont étroits. Fin août, trois entraîneurs de l’académie du Stade Toulousain y ont dirigé un stage pour transmettre leur style de jeu à 36 jeunes joueurs. Cette initiative, menée en partenariat avec les Shizuoka Blue Revs, visait aussi à promouvoir le club champion en France et en Europe auprès du public japonais. Il faut remonter à 2012 pour retrouver l’origine de l’histoire entre le club et le pays.
Le précédent Dal Maso
Eddie Jones, le mastermind des Brave Blossoms, c’est lui qui cultive des liens étroits entre les championnats français et le Japon depuis plus de dix ans. En 2013, l’ancien talonneur international français reconverti entraîneur en charge de la mêlée (57 ans, 33 sélections entre 1988 et 2000) rejoignait la Fédération japonaise de rugby au sein du staff de Jones, après avoir été consultant l'année précédente.
« Mon rôle, c’était de changer les mentalités. Les Japonais ont une culture du respect. Mais dans l’exercice de la mêlée, cela peut parfois être difficile à concilier. Il a fallu beaucoup travailler dessus », confiait le technicien quelques années après.
Pendant son mandat de deux ans avec le Japon (jusqu’à la Coupe du Monde de Rugby 2015 où s’est produit le « Miracle de Brighton » où le Japon a battu l’Afrique du Sud), Dal Maso a continué à effectuer diverses missions ponctuelles en tant que consultant en France, notamment avec le RC Narbonne et l'US Dax (où il est revenu en 2022), avec l'accord de la Fédération japonaise. Pour Jones, conserver le lien est un impératif.
Une relation quasi quotidienne avec Pierre-Henri Broncan
Fort de cette expérience sur son travail des avants, Jones l’a renouvelée avec un autre français, Pierre-Henri Broncan, cette fois avec l’Australie à l’occasion de la préparation à la Coupe du Monde de Rugby 2023 – Broncan avait alors été recruté comme consultant pour les mauls.
Leur amitié avait débuté cinq ans plus tôt lorsque le Gersois de 50 ans entraînait Bath et Jones dirigeait l’équipe d’Angleterre. « Il faisait des allers-retours dans les clubs de première division anglaise, et moi j’avais huit internationaux anglais. Il savait que j'étais Français et a voulu échanger », a raconté Pierre-Henri Broncan à l’AFP.
« Eddie est un passionné, il ne vit que pour le rugby. Il a dédié sa vie à ce sport. Il ne dort pas, il ne prend jamais de vacances, il est toujours à la recherche de la performance », relève le Français.
« Un Américain était chargé de l’organisation des réunions, de la préparation des vidéos et de la participation des joueurs aux entraînements. Eddie fait toujours venir des formateurs pour son staff et les entraînements sont toujours très structurés.
« Il n'y a pas de défauts dans son travail. Il peut mettre beaucoup de pression sur le staff, mais il est très bon avec les joueurs. Cependant, tout le monde ne peut pas travailler avec lui, car il est très exigeant et demande beaucoup de détails. Pour ma part, ce fut un plaisir de travailler avec lui », estime Broncan qui lui a ouvert les portes du centre de performance de Brive pour la préparation du Japon à la tournée d’automne.
Avec ses installations modernes, Brive (5e de Pro D2) a pu offrir aux Japonais un cadre parfait pour affiner leurs stratégies avant les Autumn Nations Series, loin de la pression des grandes villes. C’était aussi l’occasion pour les deux tacticiens de passer plus de temps, notamment pour débriefer les performances des équipes de l’un et de l’autre.
« On est en relation quasi quotidienne, par visio, par message. Il regarde nos matchs, les vidéos de nos entraînements. Je regarde un peu plus le Japon depuis qu'il en est le manager », révèle Pierre-Henri Broncan.