France - Nouvelle-Zélande au Stade de France, un rendez-vous des Autumn Nations Series qui donne une puissante impression de déjà-vu, presque comme une vague qui déferle. Vous avez l'impression d'avoir déjà vécu ce moment ? Peut-être, d'une certaine façon. Mais cela n'enlève rien à la grandeur de cette rencontre, une épopée qui mérite tous les superlatifs habituels — et bien plus encore.
D'un côté, il y a Antoine Dupont, le maître des surprises, capable d'anéantir une défense en un éclair par un geste génial. Loin de se laisser emporter par son aura, il a tout de même concédé un "certain respect" pour la capacité des All Blacks à changer de rythme en un clin d'œil. Dupont, en retrait face à l'adversité ? C'est un peu comme si Picasso hésitait à utiliser ses pinceaux. De l'autre côté, la Nouvelle-Zélande arrive avec son propre concert de menaces. Will Jordan empile les essais comme d'autres empilent les trophées, égalant récemment Jonah Lomu avec 37 réalisations, de quoi donner des sueurs froides à n'importe quelle défense. Mais la véritable carte maîtresse des All Blacks, c'est sans doute Wallace Sititi, le prodige polyvalent qui fait déjà trembler les adversaires avec une réputation fulgurante. Scott Robertson lui a certainement confié une mission claire pour Paris : traquer Dupont, anéantir sa magie, et le faire avec une élégance implacable.
Comme toujours, lorsque la France est au rendez-vous du rugby, ce n'est pas tant une invitation qu'un défi lancé. Les Bleus exercent une véritable emprise psychologique sur la Nouvelle-Zélande, ayant remporté leurs deux derniers affrontements (tous deux à Saint-Denis), dont cette ouverture mémorable de la Coupe du Monde de Rugby 2023, où le Stade de France a tremblé sous le rugissement des supporters français. Enchaîner une troisième victoire consécutive contre les All Blacks ? Ce ne serait pas juste un succès, mais un véritable séisme, un bouleversement des hiérarchies établies dans le monde du rugby.
L’ancien international Richard Dourthe, toujours adepte du franc-parler, a livré une analyse sans détour : « Les Blacks, ils cognent en défense, « contrent ruck » comme des damnés, fracassent l’opposition en mêlée fermée et peuvent passer d’un système de jeu à un autre sans que le rendu global en pâtisse ». Ce n'est pas simplement la flexibilité de Robertson, mais celle des All Blacks eux-mêmes, capables de se métamorphoser en un clin d'œil pour s'adapter à n'importe quelle situation sur le terrain.
Les deux dernières performances des All Blacks ont été de véritables démonstrations d'un "rugby à la carte". Face à l'Angleterre à l'Allianz Stadium, bien que parfois en difficulté, ils ont accéléré avec la désinvolture d'un groupe jouant ses classiques, se détachant au moment opportun. Puis, contre l'Irlande, ils ont ralenti le rythme, économisé leur énergie et frappé précisément quand il le fallait, avec pour seul moment éclatant l'essai de Will Jordan. Pas étonnant qu'Antoine Dupont reste sur ses gardes : cette équipe sait jouer avec le tempo comme si elle ajustait simplement les niveaux à sa guise, capable de s’adapter en un clin d’œil.
Cependant, la victoire éclatante de la France face au Japon a rappelé à tous ce qui fait d'elle une équipe à part. La défense tricolore a réduit l'attaque nippone à des tentatives timides et des moments de frustration, plutôt qu'à de véritables assauts massifs. Ramos, repositionné mais toujours maître du jeu, a orchestré l’occupation du terrain avec un calme souverain. De son côté, Paul Boudehent, véritable mur de 110 kg, a déchiré la ligne adverse à plusieurs reprises avec puissance. Toute l'équipe semble avoir gagné en dureté, en vitesse, mais surtout en cohésion, donnant le sentiment d'un collectif plus affûté et parfaitement synchronisé.
D'un côté, la France incarne le rugby comme une forme d'art, un ballet imprévisible teinté de passion et de flamboyance. De l'autre, la Nouvelle-Zélande, impitoyablement pragmatique et terriblement efficace, aborde le jeu comme une mécanique bien huilée, transformant la créativité en une véritable industrie de la performance. Au centre de ce duel, Dupont et Jordan, deux génies capables de transformer le cours d'un match par un geste audacieux ou une accélération fulgurante, comme s'ils jouaient avec un coup d'avance sur tous les autres. Sous la direction de Robertson, les All Blacks ont été recalibrés pour s'adapter à toutes les situations, tandis que la France, imprévisible et théâtrale, continue de surprendre à chaque instant.
Nous y voilà, sur le point d'attendre que les projecteurs s'éteignent, que le coup d'envoi soit donné et que toute l'attente atteigne son point culminant. Le Stade de France, comme nous tous, retient son souffle pour ce qui s'annonce à la fois comme une bataille de gladiateurs, un spectacle d'une grande intensité, et presque un référendum national. Dupont, Jordan, Sititi, Ramos, et 80 000 spectateurs vibreront ensemble pour un moment qui promet d'être mémorable.
Que le spectacle commence !
France vs. Nouvelle-Zélande, samedi 16 novembre à 21h10 (heure locale)