Samedi 26 octobre devant près de 60 000 personnes (dont la Princesse Akiko) massés dans le stade de Yokohama, le Japon affrontait son grand voisin du Sud, la Nouvelle-Zélande.
Jamais encore les Brave Blossoms n’avaient réussi à battre les All Blacks en cinq tentatives, bien qu’ils aient fait du chemin et des progrès depuis le 145-17 subi à la Coupe du Monde de Rugby de 1995. La dernière fois à Tokyo, d’ailleurs, les Blacks avaient bien failli passer à l’as en n’arrachant qu’une maigre victoire 38-31. C’était il y a deux ans. Une éternité.
Ce qu’Eddie Jones disait avant le match
C’est dans cet esprit que le coach Eddie Jones avait assuré que ses troupes étaient prêtes à affronter l’ogre de Nouvelle-Zélande. « Nous voulons jouer comme le Japon de la première à la 80e minute et ne pas cesser de défier la Nouvelle-Zélande avec notre style de jeu », avait-il annoncé quelques jours avant.
C'est le test ultime. Je sens que les joueurs sont prêts à jouer le meilleur rugby que le Japon ait jamais joué contre la Nouvelle-Zélande.
« Quand on joue contre la Nouvelle-Zélande, la première chose à faire est de se préparer à l'affronter. Comme toutes les équipes du monde, la Nouvelle-Zélande est une équipe que l'on peut mettre sous pression si on l'affronte. Nous pouvons vraiment leur mettre la pression grâce à notre vitesse collective et nous avons l'intention de le faire dès la première minute.
« C'est le test ultime. Il faut être capable de le faire pendant 80 minutes. C'est ce à quoi nous nous sommes préparés et je sens que les joueurs sont prêts à jouer le meilleur rugby que le Japon ait jamais joué contre la Nouvelle-Zélande. »
La réalité du match contre les All Blacks
Or, cette stratégie n’a tenu qu’un quart d’heure ; le premier. On pourrait même étendre sa durée à la seconde période de ce match qui s’est soldé par une cuisante défaite 19-64. Car non, tout ne s’est pas passé comme il l’espérait.
Pourtant, le premier quart d’heure avait montré de très belles choses avec un premier essai de l’ailier Jone Naikabula (4e) après une course de 40 mètres que ni de Damian McKenzie, ni Stephen Perofeta n’ont pu arrêter. Puis un deuxième à la 17e du numéro 8 Faulua Makisi après un ruck. Deux essais pour revenir à deux points (12-14) alors qu’en face Tele'a et le capitaine Patrick Tuipulotu avaient marqué à leur tour.
C’est après que les choses se sont corsées avec cinq autres essais encaissés avant la pause, puis un dès le début de la seconde période. Menés 12-50, les Japonais auraient pu s’effondrer et courber l’échine. Mais ce ne serait pas digne des Brave Blossoms qu’ils sont. Et dans toute leur résilience et leur combativité, ils ont tenu tête, marqué (Opeti Helu, 68e) et empêché de marquer jusqu’à ce que le débutant Ruben Love plante deux essais à deux minutes d’intervalle sur la sirène.
Mais y a-t-il vraiment tout à jeter dans cette prestation des Japonais ?
La confiance inébranlable d’Eddie
Déjà, aligner une majorité de débutants aux postes clés pour jouer les All Blacks, il ne faut pas s’attendre à des miracles. Le fameux « miracle de Brighton » au cours duquel le Japon avait battu l’Afrique du Sud en match de poule de la Coupe du Monde de Rugby 2015 s’était préparé pendant plusieurs années avec des guerriers aguerris. Pas cette fois.
On ne pourra pas reprocher au Japon de ne pas avoir joué, bien au contraire : 174 ballons portés, 89% de réussite en mêlée et 92% en touche (bien plus que les All Blacks), 215 passes (autant que leurs adversaires), un dégagement au pied toutes les 14 passes (contre un pour neuf pour les Néo-Zélandais).
« Quand on a défendu, on a pu gratter des ballons qu’on leur rendait trop facilement par notre jeu au pied », reconnaissait Scott Robertson, le sélectionneur des All Blacks. « On a eu des occasions, mais des petits en-avants et on leur rendait le ballon trop facilement ; mais ils ont appris à défendre, et c'est une bonne chose. »
Les Japonais ont tenté (cinq franchissements), mais n’ont pas pu empêcher que les autres les transpercent (15 franchissements). Huit de ces essais sont intervenus dans les 45 premières minutes et on voyait bien les All Blacks atteindre les 100 points. Mais les Japonais ont résisté comme jamais, mettant la pression sur les Néo-Zélandais en imposant un rythme élevé.
Il y avait donc de l’animation offensive, mais elle s’est heurtée au mur des tout-noirs (avec deux essais refusés en plus des trois marqués). C’est l’un de ces essais refusés qui a plombé encore plus les Brave Blossoms.
Nous avons une équipe avec 250 sélections. Nous en sommes encore aux débuts de ce que nous voulons devenir...
« Quand notre essai a été refusé, on a pu voir clairement que notre énergie avait chuté, que notre attention aux détails avait baissé, et la Nouvelle-Zélande en a profité pour marquer 29 points durant cette période », a reconnu Eddie Jones.
« L'aspect positif de la seconde mi-temps, c'est que nous avons montré beaucoup de caractère et d'esprit, et nous avons joué un bon rugby. Notre conquête était solide. Notre mêlée était bonne, même si nous avons un peu fléchi en deuxième mi-temps, et notre touche a bien fonctionné. Nous avons la capacité de faire circuler le ballon rapidement. Il nous reste à ajouter quelques éléments, mais nous y arriverons. »
Malgré cette lourde défaite, Eddie Jones reste Eddie Jones : droit dans ses bottes, prêt à assumer, mais à ne pas changer pour autant, convaincu (seul contre tous ?) qu’il a raison et que le projet de jeu est sur de bons rails.
« Nous avons une équipe avec 250 sélections (44 sur le banc, ndlr). Aujourd'hui, c'était une expérience majeure pour eux. Ils ont appris à rester dans le combat quand les choses se compliquent, à persévérer et à être présents, » assure-t-il. « Nous en sommes encore aux prémices de ce que nous voulons devenir... »
Prochaine étape : contre la France le 9 novembre à Saint-Denis.