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42, 28, 23, 15 : Comment Galthié établit ses listes de joueurs

Galthié back 2024
Le sélectionneur du XV de France dévoile pour la première fois les secrets de fabrication de ses listes.

La date du mercredi 15 janvier 2025 est importante. Ce sera le jour où Fabien Galthié, le sélectionneur de l’équipe de France, dévoilera le nom des 42 joueurs qui commenceront à préparer le Tournoi des Six Nations. Cette liste évoluera, bien sûr. Chaque lendemain de week-end, un nouveau groupe de 42 joueurs sera convoqué. Il redescendra à 28 le mercredi suivant (pour laisser les 14 joueurs non retenus rejoindre leur club pour la prochaine journée de championnat), puis à 23 à deux jours du match (cinq joueurs regagneront leur club) avec les XV titulaires de la rencontre qui seront ainsi connus.

Pour l’ancien demi de mêlée aux 64 sélections, ce sera le sixième Tournoi en charge du destin du XV de France. Et comme à chaque fois, il tentera de sélectionner les meilleurs joueurs pour remporter chaque match comme ça a été le cas dans 80% des cas depuis qu’il a repris le flambeau à Jacques Brunel au lendemain d’une Coupe du Monde de Rugby 2019 décevante.

La liste de cette année pourrait être particulièrement compliquée à peaufiner tant la dernière édition des Autumn Nations Series a rebattu les cartes, notamment du point de vue des cadres que l’on considérait confortablement comme intouchables, mais aussi en fonction des blessures, nombreuses, survenues ces dernières semaines en Top 14 et en Champions Cup.

Chaque lundi, le staff travaille sur une composition-type

Malgré tout, la méthode Galthié pour composer son groupe est toujours la même et débute chaque lundi matin, après la journée de championnat, que ce soit le Top 14, la Pro D2, la Champions Cup ou la Challenge Cup. Une grosse réunion en visio est organisée par Zoom entre 9h et 12h en présence de l’ensemble du staff, soit 32 personnes dont les coachs rugby, la partie performance, la partie médicale et l’analyse.

« Tous les lundis, les coachs rugby envoient la veille ou le lundi matin leur sélection de 42, leur 28, leur 23, leur 15 », révèle Fabien Galthié en exclusivité dans le podcast Entre les Potos (RMC). « A 9h, on découvre les compositions d’équipe. Et chaque coach va raconter son équipe : ses 15 (joueurs, ndlr), ses 23, ses 28, ses 42. En général, l’équipe c’est 23 avants et 19 trois-quarts. »

Galthié précise que les 23 avants se répartissent en 9 premières lignes, 6 deuxièmes lignes et le reste en troisièmes lignes. Du côté des 19 trois-quarts, le staff inclut habituellement trois charnières, puis ajuste pour trouver un bon équilibre entre centres, ailiers et arrières, sachant que certains arrières peuvent évoluer en 10, des 9 peuvent dépanner en 10, et des ailiers ou centres peuvent interchanger leurs rôles selon les besoins.

« Ensuite, chacun raconte son histoire. Et à la fin, je synthétise les 15, les 23, les 28 et les 42. Il y a toujours des débats animés. On accepte – et surtout je souhaite – la critique, le débat. Je souhaite vraiment le challenge. A la fin, je pose une équipe. Ensuite, je demande à chacun d’entre nous de commenter ma sélection. »

60 joueurs suivis en permanence

Galthié précise que les 42 noms ne sortent pas du chapeau. Si une centaine de joueurs sont régulièrement suivi par le staff du XV de France, 60 sont observés de près et approchés individuellement.

« Là, on est parti sur un ranking à 60, 4 équipes. Ça veut dire qu’il y a 60 joueurs qu’on a déjà appelé pour leur dire ‘on vous suit’ », poursuit Fabien Galthié.

A chacun, les mêmes questions sont posées pour évaluer leur niveau d’engagement dans le projet : « Est-ce que, pendant la période du Tournoi, même si tu n’es pas sélectionné au début, est-ce que tu repars avec nous si on t’appelle ? On veut qu’ils soient en accord avec la méthode ; pas la subir. Ils la connaissent, c’est le 6e Tournoi. On a besoin d’entendre ‘oui, oui, oui’.

« En plus, c’est la période de vacances – deux semaines : ‘est-ce que pendant les vacances tu ne seras pas trop loin ? Si tu pars trop loin, on ne pourra pas t’appeler. Mais jusqu’à 2h30 de vol de Paris, c’est encore jouable’. »

Favoriser l’émulation

« Une fois qu’on a fait le ranking, on appelle tous les joueurs, tous les lundis ou les mardis », poursuit Galthié. « Le médical est en relation avec le médical des clubs. La perf est en relation avec la perf des clubs. On connait toutes les données produites sur les 60 joueurs que l’on suit. On connait leur état physique, physiologique et la cellule préparation mentale travaille avec eux. »

Ce ranking de 60 joueurs, le staff souhaite le faire en permanence évoluer. Rappelons qu’un joueur comme Grégory Alldritt était en dehors des 28 dans le match contre l’Argentine, que Charles Ollivon était reparti jouer en club au lieu d’affronter le Japon et que Gaël Fickou était remplaçant contre le Japon (une première sous l’ère Galthié).

« La vision qu’on leur propose, c’est 2027 », insiste Fabien Galthié. « Même si t’es encore un peu éloigné dans le ranking, quand t’es professionnel de rugby et que t’as l’ambition d’être le meilleur joueur possible, c’est quand même bien d’être dans le ranking de l’équipe de France. »

Ainsi donc, suivant cette méthodologie, le staff tente de conserver une certaine cohérence dans ses choix, appuyant mûrement telle ou telle décision, ce qui fait dire au sélectionneur, quasiment à chaque annonce d’équipe : « c’est la meilleure équipe du moment »… en fonction de tous les critères précédemment cités.

En plus de cela, Galthié admet se baser sur un noyau dur de six à huit joueurs, cadres établis ou non, qu’il appelle régulièrement pour consultation à propos de sujets de base tels que la journée, l’agenda, le contenu stratégique, le contenu tactique, l’état physique, l’état psychologique… Ainsi, le lien reste fort et presque intime entre les joueurs et leur staff afin que les huit semaines passées en commun pendant le Tournoi se passent de la meilleure des manières.