L’Argentin n’a pris ses fonctions qu’au 1er janvier, mais depuis qu’il a quitté le Stade Français à la fin de la saison, il se prépare à disputer son premier Tournoi en tant que sélectionneur d’une équipe nationale. Les carnets de notes sur le jeu italien et les joueurs, dont il est désormais le chef d’orchestre, s’empilent.
Il a regardé et analysé les rencontres de sa nouvelle équipe lors Coupe du monde et du Tournoi des Six Nations. Depuis qu’il s’est installé à Milan, Quesada se déplace régulièrement à Trévise et Parme pour assister aux matchs du Benetton et des Zèbres. C’est l’occasion pour lui de rencontrer et d’échanger avec ses internationaux.
S’il découvre le Tournoi dans le rôle du sélectionneur, ce n’est pas sa première sur le banc d’une équipe nationale dans le Six Nations. Le natif de Buenos Aires a été l’entraîneur-adjoint de l'équipe de France et le responsable du jeu au pied et des buteurs entre 2008 et 2011. Il ne lui a pas fallu longtemps pour mettre à profit ses talents.
« C’est super excitant, explique Quesada. J’ai participé au Tournoi lors de mes quatre années dans le staff du XV de France et j’ai adoré. Être de retour dans la compétition, c’est super excitant. »
« Nous n’avons que très peu de temps devant nous. Nous avons seulement un jour et demi ensemble avant la première semaine de compétition. Officiellement trois. Mais je dois me rendre une journée à la présentation officielle des équipes. Et le dernier jour, nous finirons à l’heure du déjeuner car les joueurs doivent prendre leurs vols pour rentrer en France ou en Angleterre. »
« Les premières questions que je dois me poser sont : ‘comment vais-je m’y prendre ?’ ‘Comment vais-je préparer et articuler l’équipe ?’ C’est pourquoi j’ai décidé de poursuivre avec le même staff, afin de garder une certaine continuité. Je vais avancer progressivement avec mes idées tout en m’adaptant aux choses qui ont déjà été faites. »
Les préparatifs pour le Six Nations
L'éthique de travail de Quesada n'est pas surprenante lorsqu’on se remémore les qualités de l’ancien buteur de l'Argentine. Sa mécanique de tir aurait sans doute dépassé les limites actuelles du temps imparti, mais aucun détail n'était laissé au hasard avant qu'il ne s'élance avec son puissant pied droit.
Une frappe redoutable qui lui a notamment permis de terminer la Coupe du monde 1999, meilleur buteur avec 102 points inscrits. Il est notamment l’un des joueurs clés qui a vu les Pumas atteindre les quarts de finale du mondial pour la première fois de son histoire. Un simple aperçu de sa carrière internationale et de ses 486 points marqués en 38 sélections.
Son éthique de travail a aussi été couronnée de succès en France. Il y a fait ses débuts en tant que joueur puis comme entraîneur. En 2015, il a remporté le Top 14 avec le Stade Français. Puis, il a conduit son équipe vers le titre en Challenge Cup, en 2017. Une victoire 25-17, dans l’antre de Murrayfield, contre Gloucester.
La légende du rugby italien, Sergio Parisse, était le capitaine du Stade Français lors de ces triomphes. Le numéro 8 n'avait aucun doute sur ce que Gonzalo Quesada devait faire lorsque l'Italie l’a contacté pour prendre les rênes de la Squadra Azzurra.
« J'ai appelé Sergio après avoir été contacté par la Fédération Italienne de Rugby (FIR), raconte Quesada. Nous en avons parlé. Il a été très élogieux et très heureux de savoir que j'allais venir. »
L'Italie a terminé à la dernière place du Tournoi des Six Nations 2023. Elle n'a remporté qu'un seul match en quatre ans sous la direction de Franco Smith, puis de Keiran Crowley qui s’est offert une victoire mémorable au Pays de Galles en 2022.
La force d’une équipe
Lors de la Coupe du monde, les victoires contre la Namibie et l’Uruguay ont été suivi de lourdes défaites contre la Nouvelle-Zélande et la France. L’Italie est rentrée au pays sans les résultats espérés.
Le temps pour préparer le Six Nations est réduit avec deux matchs à domicile contre l’Angleterre et l’Écosse ainsi que les déplacements en France, en Irlande et au Pays de Galles. Gonzalo Quesada a pris les devants dans cette course contre la montre. Il a déjà contacté Marco Bortolami et Fabio Roselli, entraîneurs respectifs du Benetton et des Zèbres, pour s’assurer que la sélection nationale et les franchises italiennes travailleraient main dans la main.
Il est également disposé à poursuivre le projet Exiles de la Fédération Italienne de Rugby, qui consiste à recruter des joueurs qui ne sont pas nés en Italie, mais qui ont des liens de parenté. Ce programme a permis à Ange Capuozzo, Paolo Odogwu, Stephen Varney et Jake Polledri de s'engager en faveur des Azzurri au niveau international.
« Je pense que la force de l'Italie réside dans son jeu collectif, a déclaré Quesada. Les autres équipes du Tournoi des Six Nations ont plus d'individualités qui peuvent changer le cours d’un match. La force de la Squadra Azzurra, c'est son travail collectif, sa façon de mettre la pression en tant qu'équipe. »
« Quand j'ai joué contre l'Italie, ça a toujours été une équipe difficile à affronter, bonne en mêlée, en touche et en défense. Les joueurs aiment cette identité offensive, mais je pense que nous devons d'abord construire des bases solides. La défense doit être correcte et nous devons travailler sur nos coups de pied arrêtés et nos réceptions de coups de pied, même si j'ai apprécié les innovations mises en place pour sortir de notre camp. »
« Ils ont beaucoup progressé au cours des deux dernières années et je pense qu'il s'agit d'une excellente génération, très heureuse de jouer ensemble. Nous devons décider quel type d'équipe nous voulons être, quelles sont nos valeurs et comment nous allons avancer ensemble. Ensuite, nous pourrons parler du type de rugby que nous déploieront. Le processus est très important. »
Vivre La Dolce Vita
Lorsqu’il n’est pas happé par le prochain Six Nations, Gonzalo Quesada et sa femme résident à Milan, un choix stratégique qui permet au nouvel entraîneur de l’Italie d’être proche du Benetton et des Zèbres.
Son apprentissage de l'Italien se déroule bien à en juger par sa présentation officielle en octobre, au cours de laquelle il s'est exprimé avec aisance dans ce qui va devenir sa quatrième langue. Il a d’ailleurs déjà pris contact avec Javier Zanetti, son compatriote argentin et légende de l'Inter Milan.
Lorsqu'il était enfant, lui et ses amis suivaient avec ferveur le Cinq Nations. Entendre le Flower of Scotland et le Land Of My Fathers leur procurait, déjà de grandes émotions.
Gonzalo Quesada apportera de la fraîcheur à l'équipe et, malgré son enthousiasme, il ne fixe pas d'objectifs à l'Italie. D'autant plus que la France, l'Irlande et l'Écosse chercheront à effacer leur déception de la Coupe du monde et que l'Angleterre et le Pays de Galles tenteront de poursuivre sur leur lancée.
« Il est difficile de fixer des objectifs en public, a déclaré Quesada. Je dois travailler pour continuer à faire progresser cette équipe. Si nous poursuivons ce processus d'amélioration des fondamentaux et que nous nous appuyons sur nos points forts, nous pourrons nous rapprocher de nos rivaux. »
« Ce que l'Italie a produit au Stadio Olimpico est énorme. Ce que les plus grandes équipes possèdent, c'est leur identité, leurs valeurs et leur amour du maillot. Si nous parvenons à créer quelque chose qui reflète les valeurs italiennes sur le terrain, les supporters s'identifieront à nous. Nous serons alors prêts à réaliser quelque chose d’exceptionnel. Je n’ai que cela en tête lorsque je pense au prochain Six Nations. »
Tout est dit. Gonzalo Quesada est en mission. Sûr de ses hommes et conscient du travail qu’il reste à accomplir. La route est encore longue mais l’entraîneur argentin peut déjà compter sur une équipe soudée qui a déjà su renverser des montagnes.