Dans un Vélodrome de Marseille incandescent et à guichets fermés, l’affiche promettait d’être splendide entre la France et l’Irlande. Le blockbuster s’est rapidement transformé en film d’horreur pour des tricolores qui avaient peut-être oublié d’enfiler leur bleu de travail. Si l’on file la métaphore, Godzilla a marché sur la cité phocéenne.
La dernière action du match fut à l’image de la rencontre, les Bleus obtinrent, avec une touche à proximité de l’en-but irlandais, un dernier baroud d’honneur. La munition fut chapardée par un alignement adverse ultra-dominateur. Connor Murray n’avait alors plus qu’à botter en touche pour mettre un terme à un match déjà scellé.
17 – 38, score final. Les Irlandais ont réalisé un numéro de soliste, et rien ni même les entrées de Posolo Tuilagi, Paul Boudehent ou autres Julien Marchand n’ont pu enrayer la machine verte.
Tout vert, tout flamme
Dans un match au sommet entre deux bêtes blessées, la plaie encore béante d’un mondial raté, il n’y avait pas le droit à l’erreur : la victoire était impérative. L’issue du duel fratricide était connue. Une équipe allait pouvoir sortir la tête de l’eau tandis que l’autre allait sombrer encore un peu plus dans le doute.
On pouvait s’y attendre, les joueurs du XV du Trèfle mirent tout de suite la main sur le ballon et s’installèrent dans le camp français. Les impacts étaient irlandais, l’envie aussi. C’est d’ailleurs eux les premiers à ouvrir le score par l’intermédiaire de leur buteur, Jack Crowlay, dès la 6e minute de jeu.
Réduits à 14 après le carton jaune reçu par Paul Willemse, pour un déblayage épaule contre tête, les Irlandais décidaient d’appuyer sur l’accélérateur de particules, imprimant un rythme infernal et confisquant le cuir aux Bleus contraints de subir les assauts d’une marée verte de plus en plus pressante. D’un réalisme froid, le XV du Trèfle en profita et trouva la faille par l’intermédiaire d’un Bundee Aki des grands soirs pour percer la défense avant de passer les bras et de délivrer un caviar à Gibson Park qui n’eut plus qu’à aplatir entre les poteaux (10-00).
Simple accalmie dans la tempête, le XV de France répondit collectivement en mêlée fermée, offrant une pénalité, 43 mètres face aux perches, à Thomas Ramos qui débloqua le compteur tricolore (3-10) à la 27e minute. Trois minutes plus tard, le vaisseau irlandais fit de nouveau le siège de la cité phocéenne et c’est Tadhg Beirne qui, lancé comme un boulet de canon, déchira le rideau bleu et aplatit sous les poteaux. 3 à 17, l’addition commençait alors à être salée.
Willemse voit rouge
C’est LE tournant du match, déjà sanctionné d’un carton jaune à la neuvième minute, Paul Willemse était coupable d’un second placage épaule contre tête à la 31e minute sanctionné d’un jaune, synonyme de carton rouge. Déjà mal en point le radeau Bleu prit l’eau sous le regard médusé des spectateurs. Les chants celtiques s’emparèrent inextricablement du Vélodrome.
À la 39e minute, Mauvaka joua rapidement une pénalité à proximité de l’en-but irlandais, Uini Atonio sonna la charge et Maxime Lucu écarta alors pour Matthieu Jalibert qui n’eut plus qu’à offrir le cuir dans le tempo à Damian Penaud, qui marqua (10-17) et laissa planer l’espoir dans la nuit marseillaise. Les Bleus, qui n’avaient plus étés menés à domicile depuis 2018, pouvaient pousser un ouf de soulagement au vu de la domination totale irlandaise.
Une deuxième mi-temps à sens unique
Si les Bleus attaquèrent la seconde période avec de meilleures intentions, ils furent punis par le réalisme froid des hommes d’Andy Farrell. Après une longue séquence de domination irlandaise dans les 22 mètres tricolores, Calvin Nash aplatit en coin et Crowley trouva la mire (10-24). Les Bleus s’offrirent un dernier espoir par l’intermédiaire de Paul Gabrillagues (53e, 17-24) bientôt douché par la puissance de feu des ballons portés du XV du Trèfle, qui par deux fois s’écrasèrent derrière la ligne d’en-but française, Dan Sheehan (62e) d'abord, puis son remplaçant, Ronan Kelleher (78e), portant la marque à 17 – 38.
Dans un match catastrophe, les Bleus sombrèrent quand les Irlandais brillèrent. Dominés dans les fondamentaux et privés de ballons, les coéquipiers de Grégory Alldritt n’ont jamais réussi à relever la tête et ont rapidement bu la tasse. Une défaite humiliante qui devrait obliger Fabien Galthié à revoir quelque peu ses plans avant le rendez-vous contre l’Écosse, dans l’antre de Murrayfield, le 10 février prochain.