L’ancien talonneur du XV de France (49 sélections entre 2004 et 2012) devenu entraîneur en charge des avants, a joué sept fois contre l’Angleterre et compte plus de victoires (4) que de défaites (3). Devenu maître dans l’art de la mêlée – il serait d'ailleurs légitime d’écrire un jour le Dictionnaire amoureux de la mêlée et le ferait avec talent – William Servat analyse dans les moindres détails le jeu des adversaires du XV de France et celui des Anglais est scruté de près. Mais ce n’est pas le score qu’il regarde. C’est la performance, la tactique, les schémas de jeu. Et en ce sens, la défaite des Anglais à Dublin lors de la première journée a été riche d’enseignement.
« J’ai trouvé que c’était une belle prestation », estime-t-il reconnaissant le talent de cette équipe qui a su maîtriser l’Irlande en première période avant de perdre le fil, ce qui pourrait en outre laisser supposer qu’elle n’est plus aussi performante qu’avant. « L’Angleterre, au-delà de ce dernier match, est une équipe qui a traversé une période de reconstruction. Elle a perdu en demi-finale de Coupe du monde sur un choix en mêlée, mais elle aurait très bien pu la remporter ! Elle sort aussi d’une tournée où elle a bousculé de nombreux adversaires. C’est une formation puissante, avec d’énormes qualités, beaucoup d’engagement et un immense cœur.
« Et au-delà de quelques individualités, l’Angleterre regorge de joueurs qui peuvent faire la différence. Leur force, c’est aussi cette capacité à relancer leur équipe dans les moments creux, à faire basculer un match par leur talent pur. »
Un match particulier à Twickenham
Sur ses sept rencontres face au XV de la Rose, William Servat en a disputé seulement deux à Twickenham durant le Tournoi des Six Nations : victoire 17-18 en 2005 où il était remplaçant et défaite 17-9 en 2011 où il était titulaire.
« Jouer à Twickenham, c’est toujours un match particulier, une rencontre qui marque autant physiquement que moralement ; on ne sort jamais indemne d’un match comme ça. On en ressort parfois avec de belles satisfactions, parfois avec de grandes désillusions », se rappelle-t-il. « Aujourd’hui, on prépare ce match comme une opportunité : celle de défier cette équipe chez elle. Mais on l’aborde aussi avec beaucoup de modestie, car on sait que la tâche sera extrêmement difficile. »
D’autant plus difficile que les Anglais voudront laver l’affront du premier week-end et briller devant leurs supporters dans leur temple. « Le résultat contre l’Irlande, c’est une chose, mais c’est une autre étape, un autre match. Dans la préparation, cela ne change rien : on suit toujours le même processus », prévient Servat.
« Les Irlandais ne brillent pas par hasard, cela fait un moment qu’ils sont au sommet. Quant aux Anglais, même avec une défaite récente, cela peut justement les pousser à préparer encore mieux la réception de l’équipe de France, à puiser ce supplément d’âme qui permet parfois à certaines équipes de renverser des adversaires pourtant supposés supérieurs.
« Mais au-delà des considérations tactiques, le rugby reste un sport de combat, un sport magnifique mais âpre, exigeant. Il demande du courage et de l’engagement, et ce match ne fera pas exception. Ce sera, à coup sûr, une belle bataille. »
Un effort sur la discipline
L’an passé, lors de la victoire à Lyon (33-31), les Français avaient su profiter des fautes de l’Angleterre pour prendre les points – 4 coups de pied de pénalité (contre un seul encaissé) sur les 10 pénalités anglaises (5 côté français). Mais lors des Autumn Nations Series, la France était retombée dans ses travers, ne parvenant pas à abaisser son nombre de pénalités en-dessous de 10 (11 contre le Japon, 13 contre la Nouvelle-Zélande et 10 contre l’Argentine).
« De façon très simple, on a souvent du mal à bien entrer dans nos tournois », admet le technicien de la mêlée qui se satisfait des trois pénalités seulement concédées en ouverture du Tournoi 2025 face au Pays de Galles. « Depuis le début du mandat, nos premiers matchs ont été marqués par un trop grand nombre de pénalités. Je me souviens notamment d’un match en Italie où nous avions concédé un nombre de fautes bien trop élevé (18 pénalités concédées par les Bleus qui avaient miraculeusement remporté la victoire 24-29 à Rome, le 5 février 2023, ndlr).
« On a beaucoup travaillé sur ce point, en insistant pour que nos joueurs ne banalisent pas la différence entre le Top 14 et le niveau international. L’objectif a été de les focaliser sur les exigences propres à ce niveau. Les rencontres disputées en Coupe d’Europe ont aussi permis aux joueurs de mieux se préparer à ces exigences. Aujourd’hui, on sent plus de lucidité sur le terrain et une meilleure adaptation au projet de jeu, ce qui s’est traduit par moins de fautes.
« On a la chance de pouvoir compter sur l’expérience de l’un des meilleurs arbitres du monde, Jérôme (Garcet, ndlr), qui nous aide énormément. Sa manière d’aborder les échanges avec les joueurs et de leur expliquer les attentes arbitrales permet une meilleure compréhension du jeu et des décisions. »
Angleterre vs. France, samedi 8 février 2025, 17h45 (heure de Paris)