Dès les premiers échanges, l’Angleterre affichait ses intentions, menée par Marcus Smith, héros du duel de 2024 grâce à son drop victorieux en toute fin de match. Par un jeu au pied précis et inspiré, le XV de la Rose maintenait l’Irlande sous pression.
Pour sa première sélection, Cadan Murley connaissait un début de rêve. L’ailier des Harlequins interceptait un subtil coup de pied à suivre d’Henry Slade avant de déborder Josh van der Flier pour inscrire son tout premier essai international. Son coéquipier en club, Marcus Smith, transformait sans trembler : 0-7.
L’Irlande pensait répliquer rapidement, mais l’arbitrage vidéo annulait un essai après avoir jugé que Tadhg Beirne n’était pas sur ses appuis avant que Ronan Kelleher ne s’écroule dans l’en-but. L’Angleterre conservait donc l’avantage, mais pour combien de temps ? La question se posait d’autant plus après l’exclusion temporaire de Smith, sanctionné d’un carton jaune pour hors-jeu – son deuxième rouge sous le maillot anglais après celui reçu contre le Japon à Tokyo l’été dernier.
Les Irlandais, habituellement impitoyables dans ce genre de situation, ne parvenaient pas à exploiter immédiatement leur avantage numérique, butant sur une défense anglaise compacte et sûre d’elle. Malgré des séquences offensives flamboyantes, ils se heurtaient à un rideau blanc hermétique, provoquant des erreurs sous pression.
Mais la résistance anglaise avait ses limites, surtout face à une équipe irlandaise en mission. C’est James Lowe qui sonnait la révolte. L’ailier au physique de déménageur raffûtait violemment Alex Mitchell avant de remporter son duel avec autorité. Dans la foulée, il servait idéalement Jamison Gibson-Park, venu à hauteur, qui effaçait le dernier rempart, Freddie Steward, pour inscrire un essai de grande classe.
Pour sa première titularisation dans le Tournoi, Sam Prendergast connaissait un léger accroc : sa tentative de transformation heurtait le poteau, laissant l’Angleterre conserver une avance de deux petits points.
Alors que la première période touchait à sa fin, Ben Earl, en pleine confiance, franchissait la ligne avec puissance. L’Irlande tentait bien de contenir le numéro huit anglais, mais concédait finalement une pénalité dans la foulée. Marcus Smith, opportuniste, ne se faisait pas prier pour ajouter trois points de plus, offrant aux siens un avantage de cinq unités à la pause.
Un chiffre glaçant venait alors s’inviter dans les débats : selon le statisticien Russ Petty, la dernière fois qu’une équipe menée à la mi-temps dans ce duel à Dublin avait renversé la vapeur remontait à 1983. De quoi faire monter la tension pour une seconde période qui s’annonçait palpitante à l’Aviva Stadium.
L’Irlande trouvait enfin la faille par l’inévitable Bundee Aki. Après avoir résisté à trois tentatives de plaquage anglaises, le centre irlandais s’arrachait pour marquer avec autorité dans le coin gauche, faisant parler sa puissance et son explosivité. La transformation manquée laissait le score à 10-10, avec encore une trentaine de minutes à jouer.
Les hommes en vert ne tardaient pas à prendre l’avantage. Une faute anglaise en touche pour un contact illicite dans les airs offrait une pénalité à Sam Prendergast, qui ouvrait enfin son compteur personnel et portait le score à 13-10.
Puis, à la 63e minute, l’Irlande assénait un coup potentiellement fatal aux espoirs anglais. Jamison Gibson-Park et James Lowe combinaient à la perfection : le demi de mêlée temporisait juste assez pour aspirer la défense avant de libérer son ailier, qui perçait avec force. Tadhg Beirne, infatigable et toujours prêt à surgir, se plaçait idéalement à la gauche de Lowe pour conclure l’action en force. Jack Crowley, fraîchement entré en jeu à la place de Prendergast, ajoutait les deux points : 20-10.
À ce stade, l’Angleterre n’avait toujours pas pénétré les 22 mètres irlandais en seconde période. L’élan du début de match s’était complètement évaporé, et les hommes de Steve Borthwick peinaient à retrouver leur allant.
Le coup de grâce tombait à moins de dix minutes du terme. James Lowe, encore lui, mettait les cannes et transperçait la défense avant de servir Dan Sheehan, qui filait inscrire l’essai du bonus offensif. Jack Crowley transformait, portant à 22 le nombre de points inscrits par l’Irlande en seconde période.
L’Angleterre sauvait tout de même l’honneur. Tom Curry, bien lancé par Ollie Lawrence, résistait au retour de deux défenseurs avant d’adresser une sublime offload à Cadan Murley. Ce dernier servait à son tour Curry, qui concluait l’action. Marcus Smith manquait la transformation : 27-15.
Un dernier sursaut anglais intervenait dans le temps additionnel, lorsque Tommy Freeman échappait à un plaquage trop tendre pour marquer le bonus défensif sous les poteaux.
Après un début laborieux, l’Irlande avait remis la marche avant et frappait un grand coup dans la compétition. Désormais, le rêve d’un Grand Chelem, manqué l’an dernier… face à ces mêmes Anglais, redevient plus que jamais d’actualité.