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« On m’appelle souvent monsieur, par réflexe »

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L’arbitre Bérénice Loubet-Bralley est la seule officielle de match française sur le Summer Series Féminin. Rencontre avec une passionnée très organisée.

Ce qui semble caractériser le mieux Bérénice Loubet-Bralley, c’est l’organisation. Entre sa vie professionnelle d’infirmière à temps plein dans une clinique du Sud-Ouest de la France, non loin de Toulouse, et ses obligations arbitrales, la jeune officielle de match française, qui ne cesse de grimper les échelons, ne laisse pas trop de place à l’improvisation.

Pour un rendez-vous téléphonique, elle met ses écouteurs pour discuter, en même temps que faire autre chose. Quinze minutes chrono, pas de temps mort, pas d’arrêt de jeu. Ça tombe bien, c’est ce qu’elle préfère dans le rugby, laisser jouer. Sa règle préférée ? L’avantage, on s’en serait douté. « Que les joueurs arrivent à solutionner la situation de jeu par eux-mêmes, qu’ils choisissent ce qu’ils veulent faire ; en plus, ça peut leur permettre de marquer », dit-elle.

Elle se dit « respectueuse des gens » et envisage son rôle d’arbitre en fonction. « Le but, c’est d’accompagner le jeu, donc je ne suis pas tout le temps en train de siffler. Je préfère prévenir plutôt que de siffler. J’essaie d’être assez intransigeante avec le jeu déloyal pour permettre de la sécurité », précise-t-elle.

Une vie autour du rugby

Avec un père entraîneur, une sœur qui joue et un mari arbitre comme elle, le rugby fait partie intégrante de sa vie, depuis qu’elle est toute petite. Elle a commencé à jouer jusqu’à ce qu’une blessure à l’épaule l’empêche de continuer. C’est pendant cette parenthèse forcée qu’on lui a parlé de l’arbitrage Elle a essayé, elle l’a adopté.

« J’ai quand même repris le jeu et puis petit à petit, je me suis rendue compte que le jeu c’était bien, mais avec mes entraîneurs, je n’étais pas forcément d’accord avec tout. Mais j’avais envie de continuer le rugby. Pendant un an et demi, j’ai joué et arbitré jusqu’à ce qu’on me dise que si je voulais progresser dans l’arbitrage, il fallait que j’arrête de jouer », raconte-t-elle.

Bérénice fait le choix de basculer de l’autre côté du ballon et s’épanouit dans ses nouvelles fonctions, mettant en pratique ses principes d’équité au service de son arbitrage. « Le but est que ça se passe bien sur le terrain, que tout le monde soit content qu’on ait un bon match de rugby. Généralement, quand on ne parle pas de l’arbitrage, c’est que ça s’est bien passé », dit-elle.

Un principe qu’elle partage avec bon nombre de ses collègues. « On est là pour accompagner les joueurs. Ce sont eux qui jouent, ce sont eux qui produisent. Nous, on est juste là pour que le jeu se déroule, que les règles soient respectées, qu’il n’y ait pas d’embr

ouilles. Le but n’est pas d’être la cheffe ou la maîtresse. Il faut que ce soit agréable pour tout le monde », assure-t-elle.

Avec cette philosophie de jeu, le courant passe tout de suite avec les joueurs. Souvent des hommes, d’ailleurs, peu de filles. « Ils m’appellent souvent monsieur, c’est un réflexe ; ils ne font pas attention », rigole celle qui a su se forger son propre style d’arbitrage en piochant les bonnes pratiques en regardant ses pairs à la télévision.

En terre inconnue

Ses prochaines convocations ne seront pas au niveau Fédérale où on a l’habitude de la voir en Occitanie – elle monte en Nationale la saison prochaine – mais sur le Summer Series Féminin à Parme début juillet, ce nouveau tournoi de U20 féminines initié par Six Nations Rugby.

Chacune des six fédérations participantes a dû proposer une arbitre. La Fédération Française de Rugby (FFR) a soumis le nom de Bérénice en connaissance cause. En mars, sa performance sur le festival U18 féminin au Pays de Galles a plu au superviseur qui en a référé aux plus hautes instances. Elle a été informée fin mai qu’elle était retenue pour la toute première édition du Summer Series cet été.

C’est sur son temps de repos qu’elle arrive à honorer ses convocations - « j’ai une cadre très conciliante qui me le permet », sourit-elle - et pour aller à Parme, elle a tout de suite posé des congés. Une telle opportunité ne se refuse pas.

Elle arrive en terre inconnue pour cette première fois avec l’organisation du Six Nations (toutes catégories d’âge confondues). Étant une première, elle ne peut pas analyser le jeu des équipes à partir de vidéos. De plus, elle s'attend à découvrir sur quel match elle sera mobilisée seulement deux jours avant la rencontre.

Même en termes d’expérience internationale, elle est relativement novice. Ses précédentes sélections internationales étaient sur la touche d’un Espagne – Pays-Bas et d’un Espagne - Portugal. Rien de plus.

Elle ne s’en formalise pas, prête à relever le challenge et, surtout, à prendre du plaisir, comme elle dit. « Par rapport à la Fédérale, les motivations des joueurs sont différentes. C’est différent de jouer pour son pays que de jouer pour son équipe. Mais on ne peut pas forcément comparer la rapidité de jeu des garçons avec le jeu des filles », relève-t-elle.

A 26 ans, Bérénice espère bien aller encore plus loin, plus haut dans l’arbitrage. Se retrouver un jour sur le Tournoi de Six Nations féminin ? « Si j’en ai les capacités et qu’on me le permet, ce serait avec plaisir que j’irais », sourit-elle.

Elle fait partie des profils d’arbitres recherchés aussi à l’aise à 7 qu’à XV, surtout lorsqu’on est une femme. En attendant d’embrasser d’autres opportunités, elle sait que seule la loi du terrain compte et que le défi qu’elle s’apprête à vivre marquera un tournant dans sa carrière.