Ces Summer Series prévues à Parme, en Italie, pendant la première quinzaine de juillet, la France l’attend avec impatience. Juste avant le Covid, un projet de tournée pour les U20 féminines était en discussion, de l’autre côté de l’Atlantique. Mais la pandémie avait tout stoppé net.
Cette fois, les choses sont lancées et bien lancées. Du 4 au 14 juillet 2024, la première compétition de développement réunira toutes les équipes du Six Nations pour trois jours de rencontres intenses.Les Summer Six Nations Series Féminines ont pour objectif d’offrir aux joueuses européennes une opportunité essentielle de progresser dans leur parcours de développement en rugby, à partir du niveau des moins de 18 ans. Une initiative unique au monde.
UN TREMPLIN VERSE LE HAUT NIVEAU
« Pour moi, ça peut être un tremplin », affirme Caroline Suné, manageuse des U20 féminines en France. « J’ai cette sensation que Six Nations Rugby souhaite mettre en avant cette compétition pour faire découvrir les futures joueuses mondiales, montrer que le rugby féminin a toute sa place dans l’environnement international.
« J’espère que le niveau de jeu amènera à aller encore plus loin, pourquoi pas à un Tournoi des Six Nations qui pourrait arriver plus tôt que prévu, ainsi qu’une Coupe du Monde comme ça se fait chez les garçons.
« Pour moi, c’est crucial. La qualité du jeu qui sera produit, l’engouement, peut avoir des conséquences. »
Et c’est justement là que se trouve l’enjeu de cette toute nouvelle compétition de catégorie jeune. Car si les U20 garçons disposent du Tournoi des Six Nations U20, ainsi que sur U20 Trophy (cette année en Ecosse) ou du U20 World Championship (pour la deuxième année consécutive en Afrique du Sud), les joueuses de moins de 20 ans ne disposent pas encore d’un cadre compétitif digne de ce nom.
EN MANQUE DE COMPÉTITIONS INTERNATIONALES
Pourtant, comme pour les Bleuets avec le XV de France, les U20 sont plus que jamais l’antichambre de l’équipe senior, profitant d’un réservoir en pleine progression pour former les élites de demain.
« Si on veut que le niveau des équipes seniors augmente, cela va devoir passer par la base », assure la manageuse des Bleuettes. « Notre objectif est de préparer nos joueuses à potentiellement monter avec le XV de France. »
Comme pour l’Angleterre, la France sera en mesure de mobiliser uniquement des moins de 20 ans quand d’autres équipes devront puiser dans un effectif plus large, avec cinq joueuses allant jusqu’aux U23.
Enjeu d’avenir, les U20 féminines tentent de se structurer au sein des fédérations. France et Angleterre ont l’habitude de se rencontrer à ce niveau dans l’optique d’habituer leurs joueuses au plus haut niveau pour qu’elles puissent basculer avec l’équipe nationale.
« On est un peu un profil qui est identique, même si la culture est différente et que les méthodes varient sur la détection, la supervision, leur fonctionnement, la formation. Mais c’est quelque chose qu’on met en place car on est persuadé que c’est en se confrontant aux meilleures qu’on progressera », insiste Caroline Suné.
CELLES QUI ONT ÉTÉ PROMUES DANS LE XV DE FRANCE
La liste des récentes compositions d’équipe du XV de France féminin confirme ses dires. Ainsi cette année par exemple, six joueuses de moins de 20 ans ont travaillé avec les Bleues sur le Tournoi des Six Nations 2024.
Parmi celles-ci, la pilier Ambre Mwayembe (déjà 10 sélections internationales à 20 ans), la demi d’ouverture Lina Tuy (3 sélections), la pilier Chloé Vauclin (qui a passé les six semaines avec le XV de France féminin), la deuxième-ligne Kiara Zago (3 sélections à 18 ans), l’ailière Kelly Arbey (2 sélections) ou encore l’ailière Suliana Sivi (1 sélection).
Les quatre dernières citées sont d’ailleurs incluses dans le groupe des Summer Series rendu public jeudi 6 juin avec également Cléo Hagel (qui a fait ses premiers pas avec France 7 féminines sur le tournoi de Singapour) et Zoé Jean (la capitaine).
« D’autres joueuses en sont sorties comme Elisa Riffoneau (10 sélections), le talon, qui a passé deux ans avec nous. Il y a aussi Morgane Bourgeois (8 sélections) qui a été capitaine l’an dernier qui joue plutôt 10-15, à un double poste. Léa Champon (3 sélections), troisième-ligne. Lilou Graciet qui joue centre… C’est assez exceptionnel si on regarde le prorata au niveau des garçons », précise Caroline Suné.
LES DEUX ENTRAINEURES PRINCIPALES ÉTAIENT PARTENAIRES DE CLUB
Les relations entre les deux formations – Bleues et Bleuettes - sont très fluides et renforcées par la personnalité des deux entraîneures principales, Suné ayant été partenaire de club à Montpellier avec Gaëlle Mignot lorsqu’elles étaient joueuses.
« Je me dis que c'est une chance si les filles sont prises avec le XV ou le 7 de France, ça veut dire qu’on a fait notre travail et elles aussi. On a certes un objectif de performance, mais surtout le premier objectif, on a tendance à l’oublier, c'est de détecter, de superviser - sur le temps qu'on a qui est assez réduit - d'essayer de les préparer aux exigences du haut niveau », précise-t-elle en relatant une anecdote survenue en plein Tournoi des Six Nations féminin.
C’était dans la semaine précédant le 14 avril et le match au stade Jean Bouin à Paris face à l’Italie. Les U20 féminines préparaient alors activement leur Crunch annuel contre l’Angleterre (qui sera remporté 74-0 à Rouen la semaine suivante).
Les deux formations décident de faire entraînement commun. Le XV de France aligne son équipe titulaire et les U20 leur XV potentiel. Et soudainement, pendant quelques minutes, les Bleuettes déploient un jeu tel que les « grandes » se mettent à douter avant de se ressaisir. Deux vertus en seront tirées par les staffs respectifs. D’une part ne pas prendre l’adversaire à la légère et d’autre part avoir conscience que sa place dans le groupe France n’est jamais acquise.
Caroline Suné s’en amuse : « Je crois que les filles se sont dit ‘purée, faut qu’on se bouge parce que sinon on risque de se faire bousculer dimanche mais surtout, là, elles peuvent me prendre la place’. J’ai trouvé ça génial. »
UN SACRIFICE POUR LES JEUNES JOUEUSES
Pour ces jeunes filles de 18-20 ans, se consacrer au rugby international est également synonyme de sacrifice. « Il ne faut pas oublier que c’est totalement amateur », confirme-t-on à la fédération.
Et mobiliser de jeunes joueuses à n’importe quelle période de l’année est toujours un défi, surtout au début de l’été. Car certaines encore en études seront en examen, ce qui les empêchera de se rendre à Parme. D’autres qui travaillent déjà devront convaincre leur employeur de les laisser partir plusieurs semaines.
Nullement rémunérées, comme les garçons, certaines ne peuvent se permettre le sacrifice financier, préférant profiter de l’été pour travailler en saisonnier afin de financer leur prochaine année d’étude.
Les U20 féminines se réuniront le 26 juin au centre national du rugby à Marcoussis jusqu’au 2 juillet pour un stage de préparation avant de s’envoler pour Parme où elles entameront leur Summer Series contre le Pays de Galles deux jours plus tard à 10h.
Deux autres rencontres sont prévues : le 9 juillet contre l’Ecosse à 18h30 et le 14 juillet contre l’Angleterre à 21h.
Pour cette catégorie d’âge en particulier, le staff ne met pas la pression sur les résultats – même si une victoire est toujours appréciable. C’est le fameux « je ne perds pas, j’apprends ».
Caroline Suné nuance : « on peut aussi apprendre en gagnant ! »