Zoé Jean, la capitaine de l’équipe de France des U20 Féminines pose l’ambition de son équipe : devenir pionnières, rien de moins. Elle l’a déjà été d’ailleurs avec les U18. En 2022, elle remportait la toute première édition de ce que l’on nommait le Festival européen après trois victoires contre l’Irlande et l’Angleterre.
L’année suivante, la même équipe décrochait le Grand Chelem de ce qui était devenu entretemps le Festival des Six nations après cinq victoires en autant de matchs. A cette époque, c’était historique d’avoir une telle compétition pour cette catégorie d’âge.
« C’était une aventure incroyable notamment du fait que c’était le tout premier », se souvient Zoé Jean. « On avait vraiment la volonté de gagner et de montrer que la France était une dimension au-dessus. On savait qu’on serait attendues par les Anglaises, notamment. C’était la première et dans nos têtes on est à jamais les premières ; on a gagné. »
Alors que se profile le tout premier Summer Series à Parme du 4 au 14 juillet 2024, l’objectif est de garder la domination sur les autres nations européennes. « Le Summer Series, je le compare à ce qu’on avait vécu en U18. C’était la première fois et là ce sera la première fois aussi. J’attends plus de voir comment le groupe va émerger dans cet environnement avec trois matchs en dix jours. On termine par l’Angleterre qui est le match très attendu et qui sera peut-être le plus dur. J’attends de voir comment on va rester ensemble quand il y aura des moments durs – car tout ne va pas être parfait », indique la troisième-ligne centre du Stade Toulousain.
Une chance pour cette classe d’âge
Organiser de telles compétitions pour cette catégorie d’âge féminine est une chance et un signal énorme envoyé pour forger l’avenir du rugby. Et Zoé Jean mesure sa chance. « Quand je discute avec des filles du Stade qui étaient en moins de 20 il y a sept ans, si elles avaient deux matchs contre les Anglaises dans l’année, après c’était terminé. Aujourd’hui, on a des choses qu’il y a dix ans elles n’avaient pas. Oui quand on compare aux garçons on fait moins de choses. Mais je vois la chance de pouvoir vivre ce qu’on va vivre », dit-elle avec gratitude.
S’opposer à ce qui se fait de meilleur dans le rugby féminin de cette tranche d’âge en Europe est formateur, que ce soit au niveau du jeu que du mental. Zoé prend exemple de la seule rencontre organisée jusqu’à présent cette année, un match contre l’Angleterre le 20 avril à Rouen face à l’Angleterre. Un tournoi
74-0, 22-0 à la pause et huit essais en seconde période (dont un triplé de la jeune internationale Kelly Arbey), soit une 20e victoire dans les 21 dernières confrontations (la seule exception étant un nul). La dernière fois que l’Angleterre a battu la France à ce niveau, c’était en 2011.
« Pour moi le score qu’on a réalisé à Rouen n’illustre pas correctement ce qui s’est passé sur le terrain », reconnaît la capitaine. « On gagne très largement mais c’est un match très dur, acharné, les contacts sont forts. On ne passait pas comme dans du beurre. On a une opposition qui nous fait face et sur le tournoi qui va arriver, elles vont arriver vraiment remontées. De perdre aussi largement, tu prends un coup dans ton ego et il va falloir beaucoup s’en méfier. »
Ce Crunch du 14 juillet sera le troisième match en dix jours. Auparavant les Bleuettes auront affronté le Pays de Galles (4 juillet) et l’Ecosse (9 juillet).
Une moitié de sa vie dans le rugby
Si Zoé Jean est une des joueuses à suivre sur ce Summer Series, ce n’est pas un hasard. A 20 ans, elle a déjà passé la moitié de sa vie à jouer au rugby, sport que son frère pratiquait à Fleury les Aubrais, une petite commune du centre de la France pourtant éloignée des terres traditionnelles du rugby.
Mais très vite elle a pris une double licence à Orléans, à quelques kilomètres de chez elle, une avec les filles et une avec les garçons pour être sûre de jouer un maximum.
C’est vraiment là qu’elle a découvert son sport de prédilection alors qu’elle avait commencé avec la natation. « Ce sont deux sports différents avec des attentes différentes. La natation, c’est hyper individuel, tu comptes sur toi-même. Et je pense que j’avais besoin de partager mes émotions avec d’autres gens », raconte-t-elle.
Ce n’est qu’à l’âge de 15 ans qu’elle joue exclusivement avec les féminines et que sa jeune carrière se lance. Repérée pour entrer dans le Pole espoir, elle entre du même coup au Stade Rennais.
Ses performances sont telles qu’en 2021, la cadette est surclassée chez les seniors. « Sur ma dernière année de cadette, j’ai eu l’opportunité de jouer avec un an d’avance en sénior, j’étais apte à jouer avec elles, j’alternais », se souvient-elle.
« Mais ça m’a mis une claque aussi. Peut-être qu’on avait un très bon niveau en étant cadette, mais quand on arrive en senior, on sent qu’on arrive dans un autre monde ; ça m’avait mis une claque. Il y a une grosse marche que j’ai pris en pleine face quand j’ai été surclassée. »
La culture de la gagne
Pourtant Zoé n’en finit pas de gravir les échelons. Elle joue avec les U18 puis les U20 nationales avant d’être appelée par le mythique Stade Toulousain l’année dernière après quatre saisons en Bretagne. Remplaçante au début, elle s’impose très vite parmi les titulaires.
« J’avais besoin de voir autre chose, de trouver un autre enthousiasme », concède-t-elle. « Je ne m’attendais pas à jouer autant car il y a des filles très bonnes à mon poste comme Charlotte Escudero (23 ans, 20 sélections) et Gaëlle Hermet (28 ans, 63 sélections). J’ai été fière de jouer autant dans un des meilleurs clubs de France. »
Même si le Stade Toulousain s’est arrêté en demi-finale du championnat Elite 1 cette année, cette culture de la gagne est-elle un effet ricochet de l’effet Antoine Dupont chez les garçons ?
« C’est surtout par rapport à ce qu’on revendique en tant que femmes dans le rugby », nuance Zoé Jean. » Pour avoir ce qu’on demande et pour qu’on puisse faire grandir le rugby féminin, il faut qu’on gagne. Si on perd tous les week-ends, personne ne voudra nous suivre. C’est surtout
dans cet aspect-là qu’on a la volonté de montrer ce qu’on est capables de faire, plus que de se dire qu’on est au Stade Toulousain. »
Une maturité d’esprit et de jeu qui pourrait bientôt lui ouvrir les portes du XV de France féminin, comme avant elle sa partenaire Kelly Arbey (2 sélections), elle-même appelée sur le Summer Series.
« Je n’ai pas envie de me positionner par rapport à ça. Je regarde les choses au jour le jour. Si dans deux mois j’y suis, tant mieux pour moi, mais je n’ai pas envie de penser trop rapide. Je n’ai que 20 ans. Mais ça reste un objectif qui est clair. Mon objectif de cette année était de faire un stage avec elles ; c’est fait », rappelle Zoé Jean qui a participé à deux stages de préparation du Tournoi des Six Nations féminin avec les grandes cette année.
En attendant, c’est une des joueuses à suivre à en croire sa manager Caroline Suné. « Si les pépins la laissent de côté... Ces dernières années elle a eu les cervicales, les adducteurs, plein de petits pépins. C’est une joueuse en laquelle je crois », confie-t-elle.
Zoé acquiesce en souriant : « Je n’ai pas été gâtée mais ça va mieux. »
En attendant, c’est elle qui a été choisie pour être la capitaine des U20 féminines cette année. « C’est un rôle que je suis très fière d’avoir. J’ai eu l’occasion de le tester dans notre match contre les Anglaises en avril », souligne-t-elle.
« J’ai toujours eu un rôle de leader, sans être capitaine, mais dans ma manière de parler. Pour moi, ça ne reste qu’un statut. C’est juste gérer le relationnel à l’arbitre et entre le staff et les joueuses. Dans l’équipe, sur 28 filles, dix sont potentiellement capitaines. Je ne vois pas ça comme un poids. Sur le terrain, je sais que je serais épaulée par la vice-capitaine Enoé Neri et Kelly Arbey, Suliana Sivi qui ont un leadership naturel. »
(Crédit photo : France Rugby / Jérémy Babinet)