Ce Crunch, ils l'attendaient avec tellement d'impatience. On leur en avait tellement parlé de cet affrontement face à l'Angleterre que beaucoup avaient déjà vécu avec les moins de 16 et les U18 par le passé. Maintenant c'était avec les U20 qu'ils y allaient avant, peut-être, de jouer un jour cette génération avec les seniors.
Ils s'attendaient à un combat rude, âpre, héroïque. Autant tuer le suspense tout de suite : ça a été tout ça à la fois, même si le score, 27-10 en faveur des Anglais, ne reflète pas la rudesse du match. Alors oui il bruinait (on était à Bath, en Angleterre), oui il faisait du vent (au Recreation Ground où même les tribunes ne sont pas toutes couvertes), oui il faisait froid (qu'espéraient-on un 7 février ?). Mais ce n'est pas une raison pour se chercher des excuses et comptez pas sur le staff ni les joueurs pour le faire.
Certes les Bleuets ont failli face à une grosse équipe des moins de 20 ans d'Angleterre qui les avaient déjà mis à mal l'an passé pendant le Tournoi 2024, puis en finale du Championnat du Monde des Moins de 20 ans en Afrique du Sud. Mais à la fin de la rencontre, ils étaient fiers d'avoir tant donné. Parce qu'à un moment du match, ils n'étaient plus que 13 face à 15 enragés. Avec trois cartons jaunes en tout (17 pénalités concédées), ils ont malgré tout su tenir la baraque. Premier essai encaissé à la 11e minute, deuxième à la 81e. Et entre-temps, les Français n'ont pas rompu.
« Jouer une mi-temps à 14 ou à 13, forcément, ça puise dans les réserves. On laisse énormément d’énergie et ça complique la gestion du match », indiquait l'entraîneur Cédric Laborde. « Dans des conditions aussi difficiles, notamment avec un ballon mouillé, c’était compliqué de mettre du volume de jeu. Mais au-delà de ça, je pense que l’équipe a beaucoup appris. On a un groupe jeune, avec des joueurs qui vont évoluer et grandir dans les mois à venir. Ils découvrent un nouvel environnement, un nouveau niveau d’exigence, et on est fiers de leur investissement.
« C’était surtout un match très engagé, comme toujours face à l’Angleterre. D’ailleurs, en bord de terrain, on se disait qu’on avait rarement vu un match aussi dur, avec autant d’intensité dans les contacts. Il y a eu des blessés des deux côtés, preuve que c’était un affrontement de très haut niveau.
« Concernant les regrets, même si l’écart au score est large, il y a eu des moments où on était à 7 ou 10 points, où on a eu des opportunités. C’est là que se situent nos frustrations : ces occasions manquées, ce déchet parfois frustrant, ces ballons tombés qui nous ont empêchés de faire basculer la rencontre.
« Le peu de ballons que nous avons eus, on a su en faire quelque chose. On a réussi à se créer des occasions, mais à chaque fois, un détail nous a freinés. Évidemment, ça laisse des regrets à tout le monde. Mais honnêtement, sur l’ensemble du match, il faut le reconnaître : aujourd’hui, ils ont été meilleurs que nous. »
« À un certain moment, on s’en sort quand même, mais c’était ce genre de match où tous les rebonds tombent dans les mains anglaises, où chaque contre tourne en leur faveur. On n’a jamais réussi à provoquer ce petit coup du sort qui aurait pu nous relancer », poursuivait-il, intarissable sur son équipe.
« Les moments qu’on aurait pu maîtriser, comme les pénalités ou les bons lancements de jeu, nous ont échappé. Comme tu l’as dit, un en-avant, une touche pas droite, une touche manquée… Parfois, ça passe, mais dans un match comme celui-là, chaque erreur se paie cash.
« On n’a pas réussi à sortir de la pression, et quand tu restes constamment sous tension, tu dépenses énormément d’énergie. C’est là que les fautes s’enchaînent. Quand tu ne parviens pas à respirer, tu finis asphyxié, et c’est ce qui te pousse à la faute. C’est exactement ce genre de défi qu’on venait chercher. Après, comme je l’ai dit, ils ont été meilleurs aujourd’hui. Mais on a hâte de les rejouer. »
Du côté des joueurs, un même sentiment revenait : de la frustration certes, mais de la fierté avant tout. « Physiquement, je n’ai pas eu le sentiment qu’on était tant en difficulté que ça par rapport à eux. On a tenu le choc, malgré l’intensité du match », réagissait le capitaine du soir, le troisième-ligne Antoine Deliance. « Je pense qu’on ressent surtout de la frustration, plus que de la colère. On a été dominés sur ce match, c’est un fait, mais on a énormément donné.
« Du 1 au 23, tout le monde a dépensé une énergie folle. On a tout laissé sur le terrain. Alors forcément, finir sur un 27-10, c’est dur à encaisser, ça frustre. C’est vraiment ce sentiment qui ressort du groupe. Il y a eu un énorme travail accompli sur le terrain. Après, jouer à 13 avec trois ou quatre rôles à tenir en plus, forcément, c’est compliqué. Mais l’énergie dépensée a été énorme, et ça se voyait. On a tout donné, mais dans ces conditions, c’est difficile de rivaliser jusqu’au bout. »
Dans le vestiaire à l'issue de la rencontre, les cadres ont pris la parole, la frustration a vite été évoquée, chacun soulignant néanmoins les aspects positifs, l’importance de relever la tête et de continuer à travailler. « L’idée, c’est que dans les prochains matchs, ce qu’on a appris aujourd’hui nous serve », insiste le capitaine Deliance. Coachs, joueurs, tout le monde partageait le même constat.
« C'était un match compliqué, mais c’était un bon match, on s’attendait à un gros défi de la part des Anglais, et ils nous ont bien secoués. On a commis trop de fautes, et c’est ce qui nous a empêchés de vraiment mettre notre jeu en place », réagissait à son tour le numéro 8 Elyjah Ibsaiene, en sortant des vestiaires. « On a répondu présent devant, mais ces erreurs nous ont freinés et nous ont empêchés d’écarter les ballons pour exploiter nos opportunités. Malgré tout, on a livré un gros combat, mais ces fautes répétées nous ont coûté cher.
« Tout ce qu’on a mis en défense, tous les efforts fournis, l’engagement dans les contacts… Franchement, on a été courageux. Franchement, on a été solidaires. On n’a vraiment pas été ridicules face aux Anglais, loin de là. Evidemment, il y a du travail. On a fait pas mal de fautes, il y a des points à corriger, mais ce qui ressort avant tout, c’est notre solidarité et notre courage. »
Incroyable comment une telle défaite a le mérite de rebooster une équipe. C'est sans doute ça aussi la magie du Crunch : même les vaincus n'ont pas de regret. « Ce match va nous apprendre beaucoup. On va pouvoir s’appuyer dessus pour progresser et construire. Cela fera partie de leur histoire », conclut Cédric Laborde.