L’issue du match ne se jouait pas uniquement sur le terrain de Jean-Bouin à Paris, mais aussi à Cardiff où l’Angleterre, championne du monde et tenante du titre, avait les cartes en main pour réaliser le Grand Chelem. La France devait juste gagner et espérer que l’Angleterre chute. Et c’est ce qu’il s’est passé, par un incroyable retournement de situation à Cardiff, par un score que personne n’avait imaginé.
Il ne fallait pas arriver en retard à Jean-Bouin, car le premier essai était marqué à la 48e seconde exactement. Après une récupération d’une touche écossaise, Jon Echegaray trouvait l’intervalle, transmettait à Xan Mousques, qui remettait intérieur à son copain basque avant de servir finalement Simeli Daunivucu, qui concluait sous les poteaux. Dès la première minute – et alors que le Pays de Galles égalisait à distance face à l’Angleterre (13-13, 38e) sur son propre terrain – la France menait 7-0.
Mais les Écossais revenaient au score avec un essai de Jack Brown au bout du couloir gauche (7-7, 6e). L’essai était validé malgré un plaquage dangereux repéré juste avant par Antoine Chalus-Cercy, qui écopait d’un carton jaune pour sa première sélection.
Les Bleuets ne semblaient pas refroidis et ne montraient aucune faille. Mêlée enfoncée, pénaltouche gagnée, et les avants déroulaient jusqu’à l’essai du talonneur Lyam Akrab, qui devenait du même coup meilleur marqueur de ce Tournoi U20 (14-7, 12e). Avec six essais (par trois doublés), il partageait jusqu’alors le record avec Alex Kendellen (Irlande, 2021), Arthur Relton (Angleterre, 2021) et Joe Marchant (Angleterre, 2015). Avec sept essais, Akrab bat le record établi depuis 2012.
Alors que Chalus-Cercy revenait parmi les siens, l’Écosse réduisait l’écart grâce à une pénalité de Matthew Urwin (14-10, 17e). Après un puissant ballon porté conduit par Akrab, le talonneur transmettait à Baptiste Tilloles, qui aplatissait (19-10, 19e). Trois minutes plus tard, le trois-quarts centre Oliver Cowie, impressionnant dans sa capacité à rester debout malgré la pression des défenseurs, décrochait le bonus (26-10, 22e). Au même moment, à Cardiff, juste après la pause, les Gallois menaient 20-13 face à l’Angleterre. Virtuellement, à ce moment-là, la France remportait le Tournoi des Six Nations U20.
Mais les Écossais n’abdiquaient pas et ajoutaient cinq points grâce à Fergus Watson (26-15, 26e). La demi-heure de jeu passée, Jon Echegaray réussissait un franchissement pour marquer (33-15, 33e) et Ollie Blyth-Lafferty remontait au score juste avant la pause (33-22, 36e).
Alors qu’à Cardiff l’Angleterre se voyait distancée de dix points à dix minutes du terme (23-13), les Écossais préféraient prendre les points et remonter petit à petit (33-25, 42e). la connexion Biarritz-Bayonne allait encore fonctionner entre Etchegaray et Mousques, trop contents de se retrouver sur le même terrain avec un nouvel essai de l’ailier de l’UBB, non transformé pour dépassement du temps (38-25, 45e).
Dopés par une éventuelle première victoire historique en France, les Écossais réduisaient encore l’écart grâce à un magnifique essai, étonnant de précision de Cameron van Wyk (38-30, 53e). Au même moment, l’Angleterre s’inclinait au Pays de Galles (23-13). Ne restait plus qu’aux Bleuets de remporter cette rencontre, ce qui n’était pas encore gagné à ce stade.
Mais la nouvelle parvenait vite aux oreilles des Bleuets qui avaient pour rude tâche de se focaliser sur leur match. Jean Cotarmanac'h transformait son propre essai (45-30, 58e). Alors que l’Écosse redoublait dans ses tentatives, grattait chaque ballon possible et décuplait son envie d’en découdre et de gâcher la fête, les Français résistaient.
A dix minutes de la fin, la France comptait 14 pénalités à 6, son vrai point noir, et l’Écosse jouait le chrono, soignant le moindre petit bobo sur le terrain pour casser le rythme du match. L’impressionnant deuxième-ligne écossais Freddy Douglas, déjà appelé en sélection nationale, battait quatre défenseurs pour marquer en coin et revenir dans le match pour ouvrir cinq dernières minutes étouffantes (45-37, 74e).
Poussés par le public de Jean-Bouin et emmenés par un Antoine Deliance qui ne lâchait rien en contrant chaque ballon, les Bleuets résistaient malgré un dernier drop écossais et remportaient cette victoire historique, 45-40.
« C'est beaucoup d'émotion. Nous sommes très contents avec un public comme ça à Paris, c'est énorme », confiait le capitaine Antoine Deliance à la fin. « On a essayé de se focaliser, d'être plus disciplinés que la semaine dernière en Irlande, même si on a fait beaucoup de fautes quand même. On a eu beaucoup de consignes des coachs. Ca nous a permis de gérer ce match, même si on s'est fait un peu peur à la fin. »
« On réalise complet. C’est que du bonheur. C’est un groupe génial, un super staff. On se régale. Et merci les Gallois », souriait le manager Cédric Laborde. « On s’était donné l’objectif de gagner le Tournoi. Aujourd’hui c’était un peu dur parce que les Ecossais ont très bien joué. On s’attendait à un match très spectaculaire parce qu’offensivement c’est un peu le même jeu que nous. C’est une équipe qui joue plutôt très bien. Ils ont réussi à tenir. C’est une bonne base pour la Coupe du Monde. Je pense à tous les joueurs qui sont là, tous les joueurs blessés. »
« L’année dernière c’était un peu compliqué, on avait perdu à la maison à Béziers et ça, ça fait vraiment mal au cœur. Là, c’est cool de pouvoir offrir ça à nos supporters. Ils étaient venus nombreux. C’est cool de pouvoir décrocher le titre, même si ce n’était pas l’objectif principal. Le premier était de gagner le match et les circonstances ont fait qu’on a pu gagner », soulignait Jean Cotarmanac'h.