La demie de mêlée Alexandra Chambon se souvient très bien de la dernière fois que le XV de France féminin a joué à Jean-Bouin à Paris. C’était il y a dix ans et la joueuse avait 14 ans.
« J’étais en tribune pour la Coupe du Monde. J’étais à la finale et à la petite finale de la Coupe du Monde 2014 », se souvient-elle. Ce jour-là, le 17 août 2014, la France de Gaëlle Mignot – du temps où la talonneuse était déjà une pièce maîtresse de l’équipe – avait battu l’Irlande 25-18 devant des tribunes trop clairsemées.
Dimanche 14 avril, on annonce déjà beaucoup plus de monde et une grosse ambiance pour la réception de l’Italie pour cette troisième journée du Tournoi des Six Nations 2024. Car jouer à Paris pour les Bleues, c’est finalement devenu assez rare.
Depuis leur premier match international officiel le 6 avril 1991, l'équipe de France féminine a parcouru toute la France. Sur les 208 test-matches à ce jour, elles n'ont joué que trois fois à Paris intra-muros : une fois à Charlety en 2012 et deux fois à Jean-Bouin deux ans plus tard. Ainsi, dimanche marquera seulement la quatrième fois où elles joueront dans la capitale.
Bien sûr, elles ont joué dans d’autres stades autour de Paris - Savigny-sur-Orge, Massy, Melun, Saint-Denis, Evreux, Viry-Châtillon… - et seulement une fois au Stade de France. C’était le 24 novembre 2012 lors d’une tournée d’automne des Etats-Unis. La rencontre avait eu lieu en lever de rideau d’un France vs. Samoa masculin.
Un style de jeu libéré
Pour ce qui s’annonce déjà comme une fête du rugby féminin, le spectacle risque d’être au rendez-vous face au jeu qui s’annonce entre deux équipes latines qui s’affronteront pour la 27e fois de leur histoire.
« Ce qui définit bien les équipes latines, c’est qu’elles aiment produire beaucoup de jeu, elles sont un peu inattendues. Alors que les équipes plus britanniques sont un peu plus cadrées », estime la troisième-ligne centre Romane Ménager (27 ans, 59 sélections). « D’avoir deux équipes latines l’une en face de l’autre, on espère que ça proposera beaucoup de jeu et que ça va faire un très beau match. »
Même constat pour la pilier Clara Joyeux (26 ans, 42 sélections) : « Elles aiment jouer, envoyer les ballons, elles ont des ailières qui vont très vite. Ça va passer par nous devant. Il va falloir faire un gros match et essayer de ralentir et pourrir leurs ballons en conquête ou dans les rucks pour essayer de les bloquer un maximum. »
Si la commentatrice des matchs du XV de France féminin sur France Télévision, Laura Di Muzio, craint que « la réception de l’Italie peut être un match piège », elle n’est pas la seule à se méfier et les Françaises se préparent en conséquence.
« Les Italiennes ont une très bonne ligne de trois-quarts et un très bon pack. Derrière il y a des joueuses un peu emblématiques comme Béatrice Rigoni ou Véronica Madia. Ce sont des filles qui aiment bien jouer avec leurs mains et qui sont très bonnes là-dedans », relève la demie de mêlée Alexandra Chambon (23 ans, 19 sélections).
Derrière, il y a aussi l’ailière Aura Muzzo et dans le pack la talonneuse Vittoria Vecchini, auteure d’un doublé lors de la victoire du deuxième tour contre l’Irlande 27-21, première victoire historique des Italiennes en Irlande dans le Tournoi. De quoi leur redonner de l’espoir pour cette rencontre de dimanche.
Pourquoi l’Italie est confiante
Une autre raison pour que l'Italie soit confiante réside dans deux de ses précédentes rencontres à domicile contre la France : une victoire 26-19 à Biella lors d'un match de préparation au WXV en 2022, et auparavant un succès 31-12 à Padoue lors du Tournoi des Six Nations féminin 2019. Cette victoire avait brisé une série de quatre défaites consécutives contre la France, marquant également le plus grand nombre de points inscrits contre les Bleues et la plus grande marge de victoire jusqu'à présent.
Depuis, la France s’est rattrapée avec deux victoires : 39-3 à la Coupe du Monde de Rugby féminin 2021 jouée en 2022 en Nouvelle-Zélande, puis 22-12 lors du Tournoi 2023.
En pleine confiance et régénérée après cette semaine de pause, la Squadra Azzurra pourra-t-elle créer l’exploit en France, là où elle n’a tout simplement jamais gagné ? Elle l’a fait en Irlande, pourquoi pas dans l’hexagone ? L’historique est implacable : en 37 ans de rencontres entre les deux pays, jamais l’Italie n’est parvenue à s’imposer en France en 12 tentatives. Elle compte sur la 13e pour lui porter chance.
« C’est une très grosse nation dans laquelle il y a des joueuses qui jouent en France et en Angleterre. C’est une équipe qui sait jouer toutes les formes de jeu possible », précise la troisième-ligne Gaëlle Hermet (27 ans, 60 sélections) qui ne souhaite pas se réjouir trop vite.
« Elle a montré depuis plusieurs années que le rugby féminin italien était présent. On s’attend à un gros match de leur part, beaucoup d’engagement, de combat, de jeu. Il va falloir qu’on soit capable de mettre en place notre jeu. Il faut que l’on soit ultra précises, très exigeantes, tueuses dans cette zone de marque. On veut vraiment passer un cap aujourd’hui. »
La France s’attend à « ferrailler dur »
Car c’est peut-être là que réside la difficulté pour cette équipe de France cette saison. Le mot d’ordre du duo d’entraîneurs Gaëlle Mignot – David Ortiz est « oser, tenter ». Et c’est ce que les tricolores ont essayé jusqu’à présent de faire dans ce Tournoi au prix d’un peu de déchet.
Reprenant l’idée que l’on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs, Romane Ménager précise : « On a pris beaucoup de confiance sur le fait de beaucoup jouer. Maintenant on doit essayer de concrétiser. On ne pourra pas faire un Tournoi plein si on fait que jouer. Il faut concrétiser nos coups. On va vraiment se concentrer sur ça les prochaines semaines en espérant que le travail qu’on commence à faire paye ce week-end. »
« L’Italie est une équipe tout le temps dans le dur et qui tient 80 mn », observe la troisième-ligne centre Emeline Gros (28 ans, 11 sélections). « Sur la première mi-temps, on va ferrailler, il va falloir les épuiser, qu’on trouve notre stratégie pour aller les chercher sur leurs points faibles. On aura des opportunités qui vont s’ouvrir et c’est à ce moment-là qu’on pourra aller chercher un peu plus de jeu aérien et un peu plus ouvert.
« On a des armes aussi. On sait ralentir les ballons portés, on saut mieux les défendre qu’avant ; on progresse, notamment sur les touches. Quand on est avant, clairement on aime mettre la tête et lors des mauls on a cette confrontation avec les autres en face. On a toutes envie de pouvoir aller se défier sur ces phases de jeu-là. Ce n’est pas quelque chose que l’on redoute. »
Avec sa deuxième place au classement, la France ne veut pas se faire surprendre et a travaillé toute la semaine pour apporter une réponse appropriée.