« C’était une année juste incroyable, dont je vais me souvenir très longtemps. » Kelly Arbey n’en croit pas sa chance. En une seule année, elle a vécu ce que beaucoup de joueuses ont mis plusieurs années à construire : une première cape internationale avec le XV de France féminin sur le Tournoi des Six Nations, quatre sélections avec les U20 et deux tournois sur le circuit mondial de rugby à 7.
Contre l’Irlande le 23 mars 2024, Kelly n’a alors que 18 ans et est tout de suite titulaire sur l’aile droite. Le duo Gaëlle Mignot – David Ortiz a visé juste. Elle contribuera à la victoire 38-17, puis 15-5 en Ecosse la semaine suivante, même si elle n’a pas encore marqué d’essai à ce niveau. La jeune joueuse du Stade Toulousain s'appuie sur une solide expérience acquise dès son plus jeune âge. Initiée au rugby à quatre ans, en suivant les pas de son grand frère.
Repérée rapidement par le Castres Olympique, elle se distingue au point d’attirer l’attention de la Fédération française. En 2021, elle participe au Top 50 féminin U18, un stage réunissant les meilleures jeunes joueuses, et dispute deux Festivals des Six Nations U18, remportés avec des Grands Chelems à la clé.
Elle ne fait qu’une bouchée de l’Angleterre
En 2023, elle s’illustre en marquant le premier essai face aux Anglaises, contribuant au succès des Bleuettes (57-10) et à un nouveau Grand Chelem. L’Angleterre semble être son opposition préférée car en avril 2024, les Bleuettes remettent ça et anéantissent littéralement le XV de la Rose 74-0, avec un triplé de Kelly.
Il n’y a plus de mystère pour celle qui a pratiqué le football, l’escalade, le judo ou encore le tennis en parallèle du rugby ; c’est dans cette dernière discipline qu’elle s’éclate le plus. On l’a vu encore sur le Summer Series du Six Nations remporté haut la main par les Françaises à Parme ; un tournoi U20 au terme duquel Kelly Arbey a été nommée parmi les Most Valuable Player ; un titre finalement décerné à sa coéquipière Hawa Tounkara. « J’avais voté pour elle », dira Hawa au moment de recevoir son prix.
Au total, à XV dans cette année 2024, Kelly Arbey n’a jamais connu la défaite. Après deux victoires dans le Tournoi du Six Nations, puis un Crunch avec les U20, elle a enchaîné trois victoires sur le Summer Series face au Pays de Galles (57-12, 1 essai), à l’Ecosse (67-10, 1 essai) et l’Angleterre (72-21, 3 essais).
Une nouvelle aventure à 7
Au retour d’Italie, Kelly n’a pas encore le temps de partir en vacances qu’elle est tout de suite appelée par France 7 Développement pour assurer la préparation de France 7 Féminin en vue des Jeux olympiques de Paris 2024. Elle met un pied dans le 7 et se retrouve vite happée. Son coach d’alors, Romain Huet, est nommé entraîneur de France 7 après le départ de l’emblématique David Courteix. Kelly Arbey est sur sa liste.
« Vu qu’on était plusieurs filles à être dans le Dév, on savait qu’après les JO il y en aurait forcément plusieurs sous contrat. Mais on ne savait pas qu’il y en aurait autant ! On a été surprise par ça. On s’attendait quand même à être ‘la relève’. On ne savait pas qui allait être appelé. Et au final, on l’a su fin août », dit-elle.
Voilà donc Kelly, 19 ans depuis le mois de mai, propulsée dans une nouvelle aventure à 7, à parcourir le monde avec les deux premières étapes du circuit mondial qui l’ont déjà emmenée à Dubaï et au Cap d’où elle est revenue avec une médaille de bronze à chaque fois. Alors, non, elle ne regrette absolument pas d’avoir basculé dans l’autre code. « Pas du tout, c’est génial. Ça nous fait vivre des émotions bien différentes. Il faut savoir gérer la frustration et c’est pas facile de savoir switcher… en termes d’émotion, que ce soit mentale ou physique, c’est un autre monde », confie-t-elle.
Elle espère poursuivre les deux codes en parallèle
Pour autant, avec le Tournoi des Six Nations (du 22 mars au 26 avril) et la Coupe du Monde de Rugby féminin (22 août – 27 septembre), deux grosses échéances à XV arrivent en 2025et Kelly pourrait bien apporter sa pierre. « Je continue à faire les deux au max parce que dans tous les cas je n’ai jamais su me décider entre les deux », avoue-t-elle. « Je continue à faire les deux à fond, à prendre beaucoup de plaisir partout et je pense que c’est le plus important. C’est vrai que ces deux tournois m’ont fait goûter à ce qu’était le 7 et ça me plait énormément. On est tout le temps dans le dur. Même si tu ne vas jouer que deux minutes, ce sont deux minutes où tu vas finir morte. C’est génial. Je ne me ferme aucune porte. »
La jeune joueuse du Stade Toulousain reconnaît elle-même que cette expérience à 7, même si elle ne dure que depuis quelques mois seulement, l’a déjà changée. Sa coéquipière Hawa Tounkara a observé pour sa part une évolution « dans sa manière d’être… depuis que je la connais, dès qu’elle faisait un truc pas très bien, elle baissait la tête. Et là, dès qu’elle faisait une erreur, elle se relevait d’un coup. Je pense qu’elle gardait cette frustration en elle pour ensuite se remettre dans une bonne manière pour défoncer les filles en face. Je pense qu’elle a beaucoup évolué dans son jeu », remarque-t-elle.
Ce n’est qu’au tournant de l’année, entre deux tournois, que Kelly Arbey va enfin souffler un peu après une année extraordinaire qu’elle ne s’attendait pas à vivre à un tel rythme. « C’était juste incroyable. C’était une explosion de découvertes et de sentiments. C’était une année dont je vais me souvenir très longtemps. Je suis très contente d’être partie à XV parce que ça m’a plongée dans le haut niveau avec beaucoup de rigueur. Ça m’a permis d’être déjà plongée dans ce monde à part. ça m’a beaucoup fait grandir aussi. A 7, je peux maintenant montrer mon expérience. »
