Cette victoire contre l’Irlande (27-15) n’a pas été facile pour l’équipe de France en ouverture du Tournoi des Six Nations féminin 2025. Mais au-delà de l’entrée laborieuse dans la compétition, trois secteurs de jeu ont permis aux Bleues de se sortir de la pression des adversaires.
En réalité, tout a vraiment commencé à se débloquer dans le dernier quart d’heure, lorsque le carton rouge de 20 minutes sur Gabrielle Vernier est arrivé à échéance et que les filles ont pu enfin rejouer à 15 contre 15. Une nouvelle règle, mise en place cette année, dont la Fédération française de rugby n’était pourtant pas très fan.
« Franchement, ça nous a bien aidées », admet la troisième-ligne Charlotte Escudero. « Finir à 14, c’est toujours compliqué, même si on a pris un petit coup au moral, on a su se resserrer. Et même en infériorité, on a montré un bon état d’esprit. Mais c’est vrai que récupérer une joueuse en fin de match, ça nous a redonné un vrai coup de boost. On le voit d’ailleurs, on marque dans les dernières minutes. Être à égalité numérique, forcément, c’est plus facile pour remettre notre jeu en place. C’est plus simple, clairement. »
Alors que l’Irlande était remontée à deux points (15-17) suite aux essais de Jones et Wafer, la pénalité de Morgane Bourgeois (71e) suivi de l’essai transformé d’Émilie Boulard deux minutes plus tard, permettait d’envisager plus sereinement la fin de match.
Là où le match aurait pu basculer, c’est juste avant la pause avec la sortie sur protocole commotion de la trois-quarts centre Nassira Konde (33e) mais aussi et surtout au début de la seconde période avec donc ce carton rouge pour Gabrielle Vernier (44e).
La perte des deux centres a imposé de se réorganiser dans les lignes arrières. La remplaçante Émilie Boulard est rentrée à l’aile, faisant glisser la co-capitaine Marine Ménager au centre tandis que la numéro 8 Teani Feleu passait également au centre en seconde période, poste qu’elle occupe en club.
« Forcément, on travaille ce genre de scénarios, les cartons rouges et tout ça. Mais là, c’était pas évident, parce que c’est une troisième ligne à la base », constate l’ailière Mélisande Llorens. « Sur le banc, on avait des filles qui pouvaient jouer derrière, mais bon… ça a été un choix du staff. Elle joue aussi au centre en club, donc c’est une joueuse qui sait tenir le ballon, qui a l’habitude de défendre à ce poste aussi. Je pense que les coachs l’ont mise au centre parce qu’on était en infériorité et qu’elle est capable de couvrir ce poste-là en plus de celui de troisième ligne. »
Ce profil de joueuse « hybride », selon l’expression employée par Eddie Jones du temps où il était en Angleterre, a permis à la France de tenir face à la pression irlandaise.
« C’est un peu naturellement que Marine s’est repositionnée en 13. Elle a l’habitude de jouer à ce poste, et c’est clairement un leader défensif. Donc on s’est beaucoup appuyées sur elle, et ça, c’est quelque chose qu’on avait anticipé », note l’arrière Morgane Bourgeois.
« Oui, on s’est resserrées autour de Marine, on s’est vite connectées, et on a bien couvert le terrain. On a aussi fait un peu galoper nos ailières. Et on a su s’adapter, on a plutôt bien géré ce temps faible, pour en ressortir plus fortes », poursuit la demi d’ouverture Carla Arbez. Comme le souligne Morgane Bourgeois, « Pauline le dit : « Ce match, au WXV, on l’aurait perdu ».
Malgré ce scénario imprévisible, la France s’est distinguée par sa discipline, n’encaissant que 9 pénalités (malgré le carton rouge) alors qu’elle était constamment sous pression.
« On a eu le retour d’Aurélie (Groizeleau, l’arbitre, ndlr) sur la discipline, et on a regardé quelques clips sur le match, notamment des fautes qu’on peut éviter. C’est souvent des fautes individuelles », repère Mélisande Llorens. « Après, c’est vrai que globalement, on est restées dans les clous qu’on s’était fixés. Moins on fait de fautes, mieux c’est, parce que chaque faute, c’est une munition pour l’adversaire. Donc vigilance sur la discipline, ce sera encore un axe important ce week-end. Même si la semaine dernière, il y a eu un carton. Là, on sait que la clé, c’est de rester propres, faire le moins de fautes possible, et éviter de se mettre en danger. »
La performance de l’équipe en défense avec 90% de ses 148 plaquages réussis a été une satisfaction pour le staff. La défense, c’est la fondation du rugby, et pour nous en particulier, c’est le socle », rappelle le co-sélectionneur David Ortiz. « Après le WXV, on avait besoin de se rassurer sur ce secteur-là, ça nous tenait à cœur de démarrer le Tournoi avec des fondations solides. Et là-dessus, c’est réussi.
« La première mi-temps, y a eu encore un peu de déchets, mais on a su corriger. Les filles ont montré un vrai état d’esprit, agressif, offensif dans la défense. Et ça, faut qu’on le garde, faut qu’on construise là-dessus. C’est clairement notre identité, cet état d’esprit-là. C’est ça qui doit nous permettre d’enchaîner les matchs. »
Le défi que proposera l’Écosse samedi prochain sera de toute autre nature. « On a regardé leurs matchs, on les analyse, et celui contre le Pays de Galles on l’a bien décortiqué, comme celui d’avant d’ailleurs. C’est une vraie performance, même si c’était un match accroché et qu’elles jouaient à domicile. Elles ont produit leur match, tout simplement. Et nous, faut surtout pas se dire que parce que c’était serré chez elles, ce sera plus facile ce week-end chez nous », assure Mélisande Llorens.
« On prend ça très au sérieux. On a bien observé ce qu’elles ont proposé face au Pays de Galles, et maintenant, à nous de mettre en place notre stratégie, en attaque comme en défense, pour essayer de les contrer et de jouer notre meilleur rugby. »